Présentation :

Au fil des siècles, l’image de la femme, des femmes, dans les arts plastiques change. La représentation artistique des femmes dépend de l’esthétique des époques et des lieux concernés. Très souvent idéalisée, la femme incarne la beauté lorsqu’elle est jeune et la sagesse lorsqu’elle est plus âgée.
Si dans l’Antiquité et sous l’Empire Romain notamment, le nu féminin s’étale partout (fresques, sculptures, mosaïques), on privilégie l’idéal de la femme qui donne la vie, qui nourrit et qui éduque.
Au Moyen-Âge, avec l’influence grandissante du christianisme alors sous le pouvoir des moines, le réalisme apparent des nus devient incompatible avec les valeurs chrétiennes. La virginité est valeur suprême ; la femme doit être à la fois épouse, mère et pourtant vierge. En dehors, elle incarne la tentation, la fornication, en un mot le mal absolu. Jusqu’au XVe siècle, la femme reste le symbole de l’irrationnel et du mal.
Avec la Renaissance et la pensée humaniste, le “nu” devient un genre pictural au même titre que le “paysage” ou la “nature morte”; la femme devient “modèle”. La Femme, symbole de beauté, réapparaît dans l’univers religieux de la Renaissance ; elle est faite de chair, elle est parée de fines étoffes, elle a des sentiments…
Plus tard, au XVIIIe siècle, elle devient élégante avec Watteau, cultivée avec Fragonard et responsable de l’éducation et de la bonne tenue du ménage avec Chardin.
On sort de l’idéalisation de la femme dans la deuxième moitié du XIXe siècle avec l’arrivée de la photographie et du mouvement impressionniste. En effet, ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que l’on commence à voir des reproductions fidèles et sans concessions du corps humain. Le regard sur la femme est plus réaliste : on regarde, on observe, on dévisage, on contemple, on rivalise d’adulation pour le corps féminin. Certains pensent que la fameuse toile de Courbet de 1866 – “l’Origine du monde” représentant un sexe féminin – n’aurait probablement pas vu le jour sans l’implacable exactitude de la photographie. Ceci est à la fois partiellement vrai et faux.
Partiellement vrai à cause du développement des techniques photographiques et faux si l’on s’en réfère à l’extraordinaire et largement sous-estimé ouvrage de David Hockney “Secret Knowledge” dans lequel il met en avant l’utilisation d’instruments d’optique par les grands maîtres de la peinture. Hockney est persuadé que Vermeer utilisait une Camera Obscura et qu’Ingres utilisait une Camera Lucida pour ses dessins et une sorte de Camera Obscura pour les détails méticuleux. Un tableau représentant un sexe féminin avec les poils pubiens aurait donc pu voir le jour “techniquement” bien avant la deuxième moitié du XIXe siècle, mais les valeurs morales des époques concernées ne le permettaient pas.
Dès le début du XXe siècle, l’Art s’est à nouveau détourné de la réalité avec notamment le fameux tableau de Picasso “Les demoiselles d’Avignon” réalisé en 1907. L’influence de l’Art, la découverte de l’inconscient par la psychanalyse, l’influence de l’Art africain, le surréalisme, les massacres du XXe siècle (nazisme, stalinisme, maoisme) … ont rendu inutile tout effort d’exactitude dans la représentation. De nos jours, plus personne ne se sent obligé d’idéaliser la femme dans les arts plastiques; il s’agit plutôt de chercher à représenter les aspects cachés de l’être humain. L’omniprésence de la laideur dans la Figuration du XXe siècle est plus qu’une impossibilité d’incarner le monde à travers la beauté. Le beau et l’harmonie représentaient les fantasmes d’une civilisation créée à l’image d’un Dieu parfait. L’abandon de Dieu fera sombrer la représentation humaine dans l’horreur et la laideur d’un corps destiné à la mort comme cela sera le cas chez Otto Dix, George Grosz ou Lucian Freud et Picasso plus tard. Plus proche de nous, on peut citer Niki de Saint Phalle et ses Vénus hideuses, Cindy Sherman et ses Vierges au corps composé de prothèses, Damien Hirst et son inquiétante Vierge à l’enfant, les humaines chimères d’Annette Messager, Louise Bourgeois et son costume de latex à plusieurs seins, le très “trash” Paul McCarthy… Aucune rédemption ne semble possible. On retrouve de manière récurrente dans l’art contemporain ce désir obsessionnel d’en finir avec ce féminin qui ramène à la Nature et donc à la faiblesse de l’homme. De nos jours, il apparaît qu’on ne cherche plus à atteindre l’éternité par l’esprit mais par un corps que l’on veut recréer et maîtriser. La chirurgie esthétique, les pratiques du tatouage et du piercing se retrouvent dans toutes les couches de la société. Dans tous les Arts, on retrouve cette exaltation du corps recomposé par la technique comme s’il fallait absolument se délivrer des lois naturelles. Phénomène de mode ou fin d’une civilisation ? On ne peut s’empêcher de constater qu’aujourd’hui, on tend à faire disparaître cette opposition entre Féminin et Masculin, ces concepts fondateurs de notre civilisation judéo-chrétienne. Avec en parallèle cette fascination pour la violence, qu’elle soit artistique ou religieuse. Cette complaisance avec laquelle on observe l’émergence de l’Homme primitif dans notre quotidien et sur les différentes scènes artistiques correspond à une avancée indéniable de la barbarie. Les prémisses d’une nouvelle civilisation semblent jetées, une civilisation où l’homme, la femme seront des êtres du futur “libérés” de la morale, une civilisation où la technique supplantera l’éthique.
Présenter les créations d’artistes mexicains et français contemporains est intéressant à plus d’un titre. Cette exposition nous permet de faire le point en 2008 sur certaines créations artistiques contemporaines avec des artistes de renom venant d’Amérique Latine et d’Europe. Par essence, confronter des artistes de différentes cultures nous permet d’avoir une vision plus ouverte des différentes approches artistiques, même si chaque approche artistique est unique en soi.
Ainsi pour Jean-Michel Alberola qui a réalisé une oeuvre en hommage aux femmes philosophes, “la femme, l’homme, pour moi, c’est la même chose. Il n’y a pas de différence, il n’y a que des êtres humains”. On retrouve la même idée chez “l’artiste de la légèreté” Joy Laville qui croit profondément que, “malgré des attitudes différentes, nous ne sommes pas différentes des hommes”. Pas de différence non plus entre les hommes et les femmes dans les sculptures du talentueux Javier Marin qui s’attache à faire apparaître “les souffrances des êtres humains”. Philippe Favier, toujours aussi poètique et spirituel, toujours autant fasciné par la mort, a réalisé un triptyque composé de trois crânes (squelettes) de femmes souriantes et coquettes jusque dans la mort avec chacune un petit noeud de lingerie rose, noir ou blanc sur la tête. Antonio Segui, le grand maestro emblématique argentin, dans son style unique, met en scène des femmes dominatrices : “Rencontre” et “Femme de mauvais caractère” dans lequel une femme enfonce un homme sous terre, lui permettant de régler avec humour quelques problèmes personnels et universels. Pour Sergio Hernández, artiste doué et fasciné par la faune et la flore du Mexique, qui nous propose une oeuvre joyeuse et spirituelle intitulée “Femmes insectes”, la femme contemporaine “est celle qui vit le moment présent”. Peter Klasen, dont l’oeuvre s’inspire des codes et des signes de la réalité urbaine, a créé des tableaux qui réunissent des beautés inaccessibles, des voitures pour machos avérés et des panneaux représentant des signes qui engagent à être particulièrement attentif, en particulier aux risques d’électrocution ou d’incendie. Connue pour combiner habilement figuration et abstraction dans ses oeuvres, Carole Benzaken réalise un diptyque en mettant à plat un découpage pictural qui recadre des femmes en jupe et en pantalon rouge : “En réalisant ce travail, j’ai voulu évoquer un souvenir d’enfance dans lequel on me demandait si je préfèrerais, dans le cas où j’aurais le choix, être une fille ou un garçon. J’ai répondu, sans le moindre doute, une fille, parce qu’une fille peut porter des jupes et des pantalons”.
Jean Daviot, dont le mouvement de la main permet de capter la lumière sur les visages et les corps féminins, “n’est pas sûr que la femme contemporaine existe” ; pour lui, “la notion de la femme ou des femmes est fondamentalement liée aux femmes qui nous entourent”. Alors que le très curieux Nahum B. Zenil rêve de se travestir en réalisant un autoportrait en “Fiancée qui pisse”, Orlan, – connue pour ses fameuses transformations chirurgicales –, nous propose des hybridations de femmes indiennes-américaines avec autoportraits ainsi qu’un “Entre-Deux”, croisement entre Diane chasseresse et elle-même, qui laissent entrevoir une conception résolument contemporaine des femmes “qui disposent totalement de leur corps”. Toujours aussi doué, François Boisrond a réalisé des tableaux intimes avec une totale maîtrise des couleurs et de la lumière. Hervé Di Rosa, artiste globe-trotter à l’imagination débordante et fan de Bandes Dessinées, nous propose ses “poupées”, réalisées lors de son passage à Mexico ainsi que ses “Di Rosa Girls”, oeuvre témoignant avec humour des femmes qu’il a côtoyées. Le talentueux designer Christophe Pillet a réalisé des lampes et un vase qui rendent hommage aux “Formes” féminines et masculines dans toutes leurs sensualités et Ezequiel Farca, un des designers les plus créatifs de la scène du design mexicain, a créé une élégante chaise, nommée “Kahlo”, en hommage à l’icône de son pays. Pour Luis Miguel Valdés, la femme contemporaine se retrouve autour de trois mots –“présence, essence et puissance”– tout un programme. Betsabeé Romero, qui a produit une oeuvre soulignant “la fragilité du dialogue” entre les hommes et les femmes, se place plus dans une perspective féministe en mettant en avant les acquis politiques et le fait “qu’il reste encore de nombreux combats à mener au Mexique pour les femmes”.
Nous profitons de l’occasion qui nous est donnée ici, pour remercier tous les artistes vivant au Mexique ou en France, qui ont participé avec enthousiasme à cette exposition.

Patrick Amsellem

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