Présentation :

Le XXe siècle est la période de l’histoire qui a vu le plus sérieusement progresser la situation des femmes dans nos sociétés occidentales. Cette progression radicale, – droit de vote, pilule, avortement, travail, pouvoir – acquise au prix de différentes luttes, n’a pas encore abouti à une égalité systématique. On pourrait en conclure que l’évolution du statut des femmes au cours du siècle à venir est en marche vers plus d’égalité. Pourtant, des inquiétudes pour le XXIe siècle se font jour, avec l’arrivée d’un nouveau totalitarisme religieux qui progresse de jour en jour dans le monde et qui remet en cause les libertés et l’égalité des sexes. De manière générale, on peut aisément mesurer l’état d’avancement d’une société à la situation qui est faite aux femmes. Des femmes exceptionnelles ont marqué le XXe siècle dans des domaines auxquels elles n’avaient pas accès ou qui n’existaient pas auparavant. Dans des univers aussi différents que la pensée, les sciences, la politique, la littérature, le cinéma, la musique, les arts picturaux, ou la mode, de nombreuses femmes se sont brillamment imposées. Bien souvent leurs points communs sont le courage, la détermination, la constance et la passion. On entend souvent à juste titre que pour réussir, une femme doit être bien meilleure qu’un homme. Dans l’histoire de l’art, les femmes furent souvent les sujets favoris et les modèles des artistes peintres, sculpteurs ou encore photographes. En initiant cette exposition, nous avons souhaité rendre un hommage à ces femmes qui ont marqué le XXe siècle. Chaque artiste présent dans cette exposition a librement choisi de représenter les femmes qu’il ou elle souhaitait. C’est ainsi que Jean Le Gac, avec son grand sens du romanesque et de l’humour, a décidé de représenter Agatha Christie car “ses livres me font penser aux grandes vacances lorsque nous sommes allongés sur un transat” ; Maria Casarès “pour sa prestation dans Orphée de Cocteau, avec sa voix si étrange et sensuelle que des frissons parcourent mon corps jusqu’aux extrémités” ; Catherine M. “que je compare à la George Sand de notre époque, pour son livre – phénomène qui a laissé les hommes – si enclins à parler d’érotisme – , bouche bée parce que c’est une femme qui l’a écrit” ; ainsi que Coco Chanel “pour l’imaginaire de l’entre-deux-guerres qu’elle représente”. Philippe Favier, avec cette sensualité particulière qui le caractérise, a décidé de “rendre hommage à toutes les femmes” en réalisant une série de dessins érotiques. Pour Favier, “ma femme de ce siècle est un ‘cadavre exquis’ qui porte haut les jambes qu’un Dieu flou lui créa et dont les yeux pétillent comme ceux de Giroud”. Peter Klasen, dont l’oeuvre s’inspire des signes et des codes de la réalité urbaine, a tenu à rendre hommage à Marlene Dietrich “cette résistante, ambassadrice d’une autre Allemagne”, Hannah Arendt “qui représente la conscience juive de l’Allemagne et qui fait une analyse exceptionnelle de la violence moderne”, Marilyn Monroe “la star absolue”, Ingrid Bergman “cette grande actrice qui montre tout son talent dans les films de Hitchcock et de Rossellini” et Katharine Hepburn “cette femme de tête qui préfigure le féminisme sans militer”. Jacques Monory, dans son style inspiré d’images du film noir des années 50 teintées de bleus, a représenté “La Divine” Greta Garbo (celle qui fut pour Federico Fellini “la fondatrice d’un ordre religieux, appelé Cinéma”) à différentes époques car “pour moi c’est la Femme du siècle, la Femme qui m’a vraiment, vraiment, vraiment plu depuis mon plus jeune âge”. Eduardo Arroyo, passionné par les êtres singuliers, s’est intéressé à l’artiste mexicaine Frida Kahlo “pour sa vie, son visage, son corps douloureux et sa peinture de chair” ainsi qu’à Joséphine Baker, l’égérie des peintres cubistes. “Joséphine Baker était noire et issue d’un milieu pauvre comme Panama Al Brown [dont Arroyo a écrit une biographie] . Comme le boxeur, elle dansait à Paris pour distraire le public de noctambules”. On se souvient de cette femme américaine naturalisée française en 1937, qui fit scandale en dansant dans la Revue Nègre de manière particulièrement suggestive et qui participa à des actes de résistance. Kimiko Yoshida, qui associe dans son travail une couleur à une trace dans le souvenir, a choisi Marilyn Monroe “pour le refus, pour celle qui dit non au bonheur” ; Billie Holiday “pour son cri de douleur à travers le blues” ; Angela Davis “pour sa coiffure afro” et Lady Di “pour sa froideur et son côté frigide”. Si Erró n’a pas choisi de représenter une femme en particulier, il met en avant, dans son style nourri de BD et de publicité, des femmes du XXe siècle qu’il assimile à des Amazones très sexy et sûres d’elles-mêmes auxquelles il associe des proverbes : “Les femmes ne pardonnent jamais qu’après avoir puni” pour son tableau intitulé “La Vengeance”, et “Il y a entre la jalousie et l’émulation le même éloignement qu’entre le vice et la vertu” pour “La Jalousie”. Le designer Christophe Pillet a réalisé trois lampes qui rendent hommage à Raquel Welch, Ursula Andress et Farrah Fawcett, “ces bombes atomiques qui sont restées des pin-up de la culture Pop”. Marc Goldstain a choisi Madonna “car elle me permet d’exprimer mon intérêt pour le Pop Art” ; Bessie Smith “l’Impératrice du Blues” et Billie Holiday pour son “Wet Mood”, cette “ambiance de paysages urbains mouillés que l’on retrouve dans mon travail” ; Janis Joplin “pour son album Cheap Thrills qui m’a particulièrement impressionné” et Catherine Deneuve “parce j’adore Jacques Demy”. Dominique Fury a représenté, entre autres, l’icône des années 50 et 60 Brigitte Bardot qui “a bouleversé les codes de l’époque tout en restant gracieuse et fragile”. Jean Daviot, quant à lui a décidé de “mettre en lumière” Lou Andreas-Salomé, Louise Brooks “la Mona Lisa du grand écran”, Katharine Hepburn, Marguerite Duras et Maria Callas “tout simplement parce ce que je les aime”. Jean-Michel Alberola, qui affirme ne plus pouvoir pratiquer une quelconque activité artistique sans avoir conscience des traumatismes provoqués par l’Holocauste ou l’extermination de populations en Afrique et ailleurs, et qui s’attache dans son travail à réfléchir sur les significations contemporaines des oeuvres réalisées par les grands maîtres (Poussin, Courbet, Bacon, Matisse, Picasso…), a réalisé un dessin intitulé “Departement : Philosophie” en citant les noms de Hannah Arendt, Sarah Kofman, Simone Weil et Maria Zambrano. Nous avons réuni à l’occasion de cette exposition des artistes de différentes générations, de différentes tendances et de différentes disciplines. Nous tenons ici à tous les remercier pour leur participation.

Patrick Amsellem